Portfolio


La quête du poème photographique

L’image, qu’elle soit figurative ou abstraite, possède la vertu fondamentale d’offrir une interface à travers laquelle nous dialoguons spontanément avec le monde. Contrairement au langage, dont nous ignorons la combinatoire infinie des symboles, contrairement à nos quatre autres sens, qui sont si souvent sous-développés et sous-considérés, la vue nous permet d’être au monde de manière directe et d’évoluer sereinement dans un magma de références visuelles construites depuis l’enfance. En ce sens, je pourrais utiliser la photographie comme le moyen infaillible de rendre compte de mes voyages, en donnant à voir les paysages que je traverse, les gens que je rencontre, et les aventures que je vis. Cependant je crains de ne pas avoir le talent nécessaire pour que ces reportages photos vaillent la peine d’occuper les quelques gigabits de leur stockage digital et cérébral, à une époque où nous sommes saturés de manifestations et de stimulations autocentrées en tous genres, auxquelles je n’ai déjà que trop participé. Lorsque je saisis mon appareil je préfère désormais m’atteler à rendre ce que l’esprit voit du monde, plutôt que ce que l’œil en perçoit. Paradoxalement, cela s’avère bien plus facile, puisqu’en pareil cas la photographie ne souffre pas d’une compétition inégale avec la beauté authentique de l’original. Mais si je fais ce choix, c’est surtout qu’à travers la vision subjective que m’offre l’objectif de ma pensée, l’image -pour peu qu’elle soit réussie- permet d’embrasser le caractère universel des couleurs, des formes, et des représentations de notre imaginaire. Ce n’est qu’à cette condition que l’objet visé par le photographe devient un sujet à part entière, qui peut se détacher de son support pour flotter à son tour dans le magma des références visuelles, et, pourquoi pas, permettre de renouveler le regard que nous portons sur le monde qui nous entoure.

Galerie de l’exposition Un Murmure d’Amérique :